DansInherent Vice de Paul Thomas Anderson, il est parfois difficile de faire la part des choses entre le réel complot et l'imagination de Doc qui est alimentée par les drogues qu'il consomme. Le Petit SeptiÚme
Aunom de la vĂ©ritĂ©: Machination amoureuse. ĐаЎД Ўа ŃĐ” ĐżĐŸĐłĐ»Đ”ĐŽĐœĐ” . ĐĐŒĐžŃĐžŃаŃа ĐœĐ” Đ” ĐŽĐŸŃŃĐ°ĐżĐœĐ° ĐČĐŸ ĐŽŃжаĐČаŃа. ĐĄĐĐĐ ĐĐĐĐ. ĐĐ ĐĐĐĐ ĐĐĐ. ĐĐżŃаЎа ĐĐ»ĐșаŃŃаза (2002) ĐŽĐ”ĐœĐ”Ń. ĐŁ ĐŸĐČĐŸĐŒ ŃĐžĐ»ĐŒŃ ĐĄĐ°ŃŃ
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TĂ©lĂ©chargerle livre Le piĂšge de la forĂȘt - Un voisin si Ă©nigmatique - La vĂ©ritĂ© en question de HelenKay Dimon en Ebook au format ePub sur Vivlio et retrouvez le s
Lecomte de Monte Cristo Par Claude Autant-Lara C'est justement ce qu'il voulait afin de pouvoir mettre en place son implacable vengeance com | Amazon It will no question squander the time Cette phase de retour au « sein de la mĂšre », Simone Vierne lâa nommĂ©e le « regressus ad uterum » (p Cette phase de retour au « sein de la mĂšre », Simone Vierne lâa nommĂ©e le «
Rentrantchez elle aprĂšs ce drame, Gloria avoue toute la vĂ©ritĂ© Ă Jacques qui se garde bien de lui rĂ©vĂ©ler l'innocence de la victime et sa propre responsabilitĂ© dans ce meurtre. Jouant le jeu jusqu'au bout, il fait lui-mĂȘme disparaĂźtre le cadavre d'Yves Normand en le dissimulant dans un mur en construction de son usine. Le temps passe, qui semble attĂ©nuer les blessures de
Vay Tiá»n Nhanh Chá» Cáș§n Cmnd. TĂ©lĂ©charger l'article TĂ©lĂ©charger l'article Il peut toujours ĂȘtre utile de savoir comment forcer quelquâun Ă dire la vĂ©ritĂ©. Cela peut vous aider dans de nombreuses situations, par exemple Ă la maison ou au travail. MĂȘme si cela demande un peu de pratique, de patience et dâassurance de votre part, vous pouvez y arriver et obtenir une meilleure comprĂ©hension de ce quâil se passe. En montrant aux autres que vous ĂȘtes de leur cĂŽtĂ©, en dĂ©marrant la conversation de la bonne façon et en sachant reconnaitre les signes qui indiquent que quelquâun ment, vous amĂ©liorerez vos chances de dĂ©couvrir la vĂ©ritĂ©. 1 Ăvitez dâaccuser cette personne. Vous allez rĂ©duire vos chances dâobtenir la vĂ©ritĂ© si vous donnez lâimpression de lâaccuser. Restez calme et gardez un langage corporel neutre. Si vous criez, si vous tapez du poing sur la table et si vous tenez avec les bras croisĂ©s, vous aurez lâair plus intimidant. Lâautre personne sera plus encline Ă partager ce quâelle sait si vous lui donnez lâimpression de la comprendre. Asseyez-vous si possible, regardez-la dans les yeux et parlez-lui dâune voix douce et rassurante. Posez vos mains sur vos genoux, le long de votre corps ou sur la table et gardez une expression du visage neutre [1] . 2 Montrez votre empathie. Pour gagner la confiance de quelquâun, vous devez lui faire comprendre que vous compatissez avec sa situation. Elle sera plus encline Ă vous parler si elle nâa pas lâimpression que vous allez exploser. Faites comme si vous compreniez pourquoi elle agit de la façon dont elle a agi. Par exemple, imaginons que vous surpreniez votre fils en train de fumer avec ses amis. Vous pourriez lui dire tu nies que tu Ă©tais en train de fumer. Mais je veux que tu saches que je comprendrais si tu avouais que tu Ă©tais en train de fumer. Parfois, tes amis peuvent te forcer Ă faire des choses que tu ne ferais pas normalement ». En lui donnant lâimpression que nâimporte qui ferait ce que vous croyez quâil a fait, il sera plus enclin Ă vous avouer la vĂ©ritĂ© [2] . 3 Montrez que la vĂ©ritĂ© nâest pas si grave. Les gens ont souvent peur de dire la vĂ©ritĂ©, car ils ont peur des consĂ©quences. Cependant, si vous rĂ©duisez la gravitĂ© de la situation, cette personne pourrait ĂȘtre prĂȘte Ă vous dire la vĂ©ritĂ©. Vous pourriez lui dire ce nâest vraiment pas si grave. Je veux seulement savoir la vĂ©ritĂ© ». En la rassurant et en lui disant que ce quâelle a probablement fait nâest pas si grave, elle va ĂȘtre plus Ă lâaise pour vous dire la vĂ©ritĂ© [3] . Cependant, vous ne devez choisir cette solution que si vous pensez vraiment que ce nâest pas grave. Par exemple, cela nâest pas une bonne solution si la personne en question a fait quelque chose qui pourrait lui attirer des problĂšmes avec la police. 4 Dites-lui quâelle nâest pas seule. Donnez-lui lâimpression quâelle nâest pas la seule Ă ĂȘtre accusĂ©e. Si elle pense que dâautres personnes sont responsables et devraient en assumer les consĂ©quences de la situation, elle va ĂȘtre plus encline Ă vous dire la vĂ©ritĂ©. Elle va probablement se refermer si elle sent quâelle va devoir assumer les consĂ©quences toute seule. Vous pourriez lui dire je sais que tu nâĂ©tais pas seul dans la situation. Il y a dâautres personnes qui sont responsables aussi [4] ». 5Offrez votre protection. Dites-lui que vous ferez votre possible pour la protĂ©ger. Faites-lui comprendre que vous ĂȘtes de son cĂŽtĂ© et que vous ferez tout ce que vous pouvez pour lâaider. Cela pourrait soulager ses peurs [5] . 1 Sachez faire la diffĂ©rence entre des soupçons et des accusations. La maniĂšre dont vous allez aborder la situation va dĂ©pendre de la quantitĂ© de preuves que vous avez pour Ă©tayer vos accusations. Vous allez devoir gĂ©rer des situations basĂ©es sur des soupçons forts diffĂ©remment de celles oĂč vous avez des preuves claires. Dans le cas de soupçons, il vaut mieux que vous les prĂ©sentiez sans confrontation et que vous essayiez dâobtenir la vĂ©ritĂ© pendant lâinteraction. Dans le cas dâaccusations avec des preuves, vous devez les affirmer et prĂ©senter les preuves que vous avez. Si vous avez des preuves, lâautre personne aura beaucoup plus de mal Ă Ă©chapper ses responsabilitĂ©s. 2 Partagez votre version de lâhistoire. PrĂ©sentez les faits que vous savez vrais en racontant lâhistoire depuis votre point de vue. Lâautre personne pourrait vous interrompre et corriger une partie de lâhistoire si un des dĂ©tails nâest pas vrai. Cela vous aidera Ă obtenir une confession partielle. Vous pouvez aussi changer sciemment une partie de lâhistoire pour amener lâautre Ă vous corriger. Par exemple, vous pourriez dire tu es allĂ© au bar hier soir », alors que vous savez quâil est allĂ© dans un lieu plus compromettant. Cela pourrait lâamener Ă vous corriger et Ă vous avouer la vĂ©ritĂ© [6] . 3 Changez la tournure des phrases. Posez la question plusieurs fois, mais de façons diffĂ©rentes. Faites attention si elle rĂ©pĂšte la mĂȘme chose lorsquâelle vous rĂ©pond, car cela pourrait indiquer quâelle a rĂ©pĂ©tĂ© auparavant ce quâelle allait vous dire. Elle pourrait aussi donner des rĂ©ponses diffĂ©rentes, ce qui peut indiquer quâelle vous ment. Vous pourriez aussi lui demander de vous raconter lâhistoire en commençant par la fin jusquâau dĂ©but ou mĂȘme de commencer au milieu. En changeant sa maniĂšre de raconter lâhistoire, elle pourrait faire des erreurs, ce qui va vous indiquer quâelle vous ment [7] . 4 Choisissez vos mots avec soin. Les mots que vous utilisez peuvent jouer un rĂŽle important pour savoir si une personne vous dit la vĂ©ritĂ© ou non. Si vous lâaccusez de maniĂšre indirecte, elle pourrait se refermer. En choisissant des mots moins durs, vous lâencouragerez Ă vous dire la vĂ©ritĂ©. Par exemple, vous pourriez utiliser le verbe prendre » au lieu de voler » ou bien passer du temps avec quelquâun » au lieu de tromper ». Elle pourrait alors ĂȘtre plus encline Ă vous avouer la vĂ©ritĂ© si vous choisissez des expressions plus favorables [8] . 5 Bluffez si nĂ©cessaire. Le bluff est une autre tactique dangereuse, mais souvent efficace. Vous allez devoir faire une menace ou affirmer ce que vous pensez ĂȘtre la vĂ©ritĂ©, mĂȘme si vous ne pensez pas Ă mettre en Ćuvre votre menace ou si vous nâavez pas de preuves. Votre bluff pourrait tenter cette personne Ă vous dire la vĂ©ritĂ©, car elle va avoir lâimpression que vous avez dĂ©couvert le pot aux roses ou parce quâelle a peur des consĂ©quences supposĂ©es. Par exemple, vous pourriez dire jâai des tĂ©moins qui ont vu la scĂšne du crime ». Cela pourrait ĂȘtre suffisant pour lui faire peur et la faire avouer. Vous pourriez aussi la menacer de vous rendre Ă la police ou Ă un reprĂ©sentant de lâautoritĂ© si cette personne ne sâarrĂȘte pas de mentir [9] . Nâoubliez pas que les menaces verbales comme le bluff ne doivent ĂȘtre faites que si vous ĂȘtes sĂ»r de la responsabilitĂ© ou de lâimplication de cette personne. Essayez cependant dâĂ©viter au maximum les menaces, car cela va la mettre sur la dĂ©fensive et vous rĂ©duirez vos chances dâobtenir la vĂ©ritĂ©. 6Ăvitez les menaces physiques. Si une personne vous regarde dans les yeux et vous ment, il peut ĂȘtre difficile de contrĂŽler votre rĂ©action. Si vous devez faire une pause pour vous calmer, faites-le. Vous ne devez jamais agresser quelquâun ou utiliser la force physique pour la forcer Ă vous dire la vĂ©ritĂ©. 1Observez les rĂ©ponses Ă votre question. Les personnes qui mentent essayent souvent de ne pas rĂ©pondre aux questions quâon leur pose. Câest probablement le cas si elle change de sujet ou si elle refuse simplement de vous rĂ©pondre. La plupart du temps, elle va parler de tout si elle nâessaye pas de cacher quelque chose [10] . 2 Ăcoutez sa voix. Le son et le ton de sa voix vont souvent changer si elle ment. Sa voix pourrait devenir plus aigĂŒe, elle pourrait parler plus vite ou vous pourriez mĂȘme entendre sa voix trembler. Nâimporte quel type de changement peut indiquer quâelle ment. Vous devez quand mĂȘme ĂȘtre habituĂ© Ă la voix de cette personne pour reconnaitre les changements et savoir si elle ment. Commencez par poser des questions dont vous connaissez dĂ©jĂ les rĂ©ponses et remarquez le son de sa voix lorsquâelle vous rĂ©pond. Passez Ă des questions dont vous ne connaissez pas les rĂ©ponses une fois que vous avez une bonne idĂ©e du son de sa voix. Il est probable quâelle vous mente sâil y a des changements dans sa voix [11] . Cependant, cela ne va pas arriver avec un menteur pathologique ou un sociopathe. 3 Observez son langage corporel. Lâapparence dâune personne peut changer de beaucoup si elle ment. Lorsque les gens mentent, ils se sentent nerveux et leur corps sâadapte gĂ©nĂ©ralement Ă ce nouvel Ă©tat. MĂȘme de petits changements de comportement peuvent indiquer un mensonge. Par exemple, elle pourrait essayer de cacher sa bouche ou ses yeux pendant quâelle vous ment. Vous pourriez aussi remarquer quâelle gigote, quâelle dĂ©glutit plus souvent ou quâelle sâĂ©claircit la voix plus frĂ©quemment que dâhabitude. Elle pourrait aussi Ă©viter de vous regarder dans les yeux et rire nerveusement [12] . RĂ©fĂ©rences Ă propos de ce wikiHow Cette page a Ă©tĂ© consultĂ©e 54 262 fois. Cet article vous a-t-il Ă©tĂ© utile ? Abonnez-vous pour recevoir la newsletter de wikiHow! S'abonner
Carte mentaleĂlargissez votre recherche dans UniversalisActe I. Ă la cour d'Espagne, sous le rĂšgne de Charles II 1665-1700, Don Salluste de Bazan, ministre tout-puissant, cherche Ă se venger de la Reine qui vient de le condamner Ă l'exil pour avoir sĂ©duit, engrossĂ© et refusĂ© d'Ă©pouser l'une de ses suivantes. Il compte pour cela monnayer les services de son propre cousin, Don CĂ©sar de Bazan, aristocrate devenu vagabond et bandit sous le nom de Zafari. En homme d'honneur malgrĂ© sa dĂ©chĂ©ance, celui-ci refuse le marchĂ©. Le laquais de Don Salluste, Ruy Blas, que Don CĂ©sar a connu autrefois et que la pauvretĂ© a contraint Ă cette dĂ©gradante fonction, lui avoue qu'il est secrĂštement amoureux de la Reine. Don Salluste, qui a tout entendu, monte alors une machination. Il contraint Ruy Blas Ă s'engager Ă le servir en toute occasion et lui fait Ă©crire une lettre, adressĂ©e de sa part Ă une femme qu'il nomme sa reine », et signĂ©e du nom de CĂ©sar. Puis il fait enlever Don CĂ©sar, et lui substitue Ruy Blas, qu'il prĂ©sente Ă la Cour comme son cousin revenu du PĂ©rou, avec l'ordre de devenir l'amant de la II. Allemande isolĂ©e Ă la Cour d'Espagne, Ă©pouse dĂ©laissĂ©e par le Roi, jeune femme poursuivie par les assiduitĂ©s du vieux Don Guritan, la Reine songe Ă l'inconnu qui dĂ©pose chaque jour sur un banc ses fleurs prĂ©fĂ©rĂ©es, ce CĂ©sar » qui lui a fait parvenir une lettre d'amour. Lorsque Ruy Blas se prĂ©sente Ă elle sous ce nom comme nouvel Ă©cuyer du Roi, elle ne peut cacher son trouble. Don Guritan s'en aperçoit et, jaloux, provoque Ruy Blas en duel. Mise au courant, la Reine trouve le moyen d'Ă©loigner le III. Six mois plus tard, Ruy Blas alias Don CĂ©sar est devenu Premier ministre. Dans une longue tirade, il accable de reproches les autres ministres, coupables Ă ses yeux de sacrifier le destin de l'Espagne Ă leurs intĂ©rĂȘts personnels. La Reine, pleine d'admiration, lui dĂ©clare son amour et souhaite lui confier le pouvoir. Mais le bonheur de Ruy Blas est de courte durĂ©e survient Don Salluste, dĂ©guisĂ© en valet, qui lui rappelle son serment de soumission et le menace, s'il refuse de lui obĂ©ir, de rĂ©vĂ©ler Ă la Reine sa vĂ©ritable IV. Tout l'acte constitue une parenthĂšse burlesque avec le retour inopinĂ© du vĂ©ritable Don CĂ©sar, qui a Ă©chappĂ© Ă ses ravisseurs. PlongĂ© dans une situation qu'il ne comprend pas mais Ă laquelle il s'adapte avec dĂ©sinvolture, il reçoit successivement un laquais qui lui remet une somme d'argent, quâil s'empresse de faire distribuer aux pauvres, une entremetteuse chargĂ©e d'organiser une entrevue avec une belle inconnue il s'agit de la Reine, Don Guritan qui le provoque en duel et qu'il tue, Don Salluste enfin, qu'il croit pouvoir dĂ©masquer mais qui parvient Ă le faire emprisonner...Acte V. La Reine vient rejoindre Ruy Blas, rĂ©pondant au billet que Don Salluste lui avait fait rĂ©diger au dĂ©but de la piĂšce. Celui-ci apparaĂźt alors pour accomplir sa vengeance soit la Reine renonce au trĂŽne pour suivre le faux Don CĂ©sar, soit il rĂ©vĂšle qu'elle trompe le Roi. Ruy Blas avoue alors sa vĂ©ritable identitĂ©, tue Don Salluste, puis s'empoisonne. DĂ©sespĂ©rĂ©e, la Reine lui pardonne, l'appelant enfin par son vrai nom Ruy Blas. 1 2 3 4 5 âŠpour nos abonnĂ©s, lâarticle se compose de 3 pagesĂcrit par professeur agrĂ©gĂ© de lettresClassificationLittĂ©raturesĆuvres littĂ©rairesĆuvres littĂ©raires du xixe s. occidentalLittĂ©raturesĆuvres littĂ©rairesĆuvres littĂ©raires par genresĆuvres théùtralesAutres rĂ©fĂ©rences RUY BLAS, Victor Hugo » est Ă©galement traitĂ© dans DRAME - Drame romantiqueĂcrit par Anne UBERSFELD âą 4 633 mots âą 5 mĂ©dias Dans le chapitre Traits gĂ©nĂ©raux » [âŠ] Le drame romantique s'affirme avant tout comme rĂ©volution par rapport aux formes et aux idĂ©es qui l'ont prĂ©cĂ©dĂ©. Il se veut une rĂ©volution historique, ou mieux historiciste. Dans tous les pays, la premiĂšre revendication d'un auteur de théùtre romantique sera de prendre en compte la transformation actuelle de la sociĂ©tĂ© par rĂ©fĂ©rence Ă des moments antĂ©rieurs dĂ©cisifs du passĂ© national, ou mĂȘme du [âŠ] Lire la suiteHUGO VICTORĂcrit par Pierre ALBOUY, Pierre GEORGEL, Jacques SEEBACHER, Anne UBERSFELD, Philippe VERDIER âą 13 602 mots âą 4 mĂ©dias Dans le chapitre Le théùtre de la Renaissance » [âŠ] Pourquoi ne pas essayer de crĂ©er une scĂšne nouvelle qui serait celle du drame romantique ? Avec Alexandre Dumas et grĂące Ă l'amitiĂ© du duc d'OrlĂ©ans, Hugo y parvient c'est le théùtre de la Renaissance, pour l'inauguration duquel nov. 1838 il Ă©crit la plus cĂ©lĂšbre sinon la meilleure de ses piĂšces, Ruy Blas , dont le mĂ©rite est Ă la fois de poser les problĂšmes politiques de l'agonie d'une monar [âŠ] Lire la suiteTHĂĂTRE OCCIDENTAL - La dramaturgieĂcrit par Christian BIET, HĂ©lĂšne KUNTZ âą 12 311 mots âą 1 mĂ©dia Dans le chapitre De la vraisemblance au rĂ©alisme » [âŠ] Ă la suite de Diderot, Beaumarchais condamne les principes de la dramaturgie classique parce qu'ils menacent le plaisir du spectateur. Accompagnant son premier drame, EugĂ©nie , d'un Essai sur le genre dramatique sĂ©rieux 1767, il reproche Ă la tragĂ©die de ne plus toucher le public. Elle heurte le goĂ»t du xviii e siĂšcle parce qu'elle met en Ćuvre une vĂ©ritĂ© de convention, qui bannit toute rĂ©fĂ©re [âŠ] Lire la suiteRecevez les offres exclusives Universalis
1 M. Brunet, LâAppel du monstrueux. PensĂ©es et poĂ©tiques du dĂ©sordre en France au xviiie siĂšcle, Louv ... 1Sâil est un texte qui peine Ă susciter la croyance chez un lecteur du xxie siĂšcle, câest sans doute le roman Lamekis que Charles de Fieux, chevalier de Mouhy 1701-1784, publie en huit parties entre 1735 et 1738. Mathieu Brunet nâa pas tort dâinscrire ce roman peuplĂ© de contes â ou cet interminable conte Ă la taille de roman-fleuve â au registre des monstres littĂ©raires » et autres textes illisibles » produits par un xviiie siĂšcle bien moins rationaliste quâon ne le dit1. Son sous-titre promettant Les Voyages extraordinaires dâun Ăgyptien dans la terre intĂ©rieure avec la dĂ©couverte de lâĂźle des Sylphides nous laisse bien attendre du surnaturel et du prodige, au sein dâun merveilleux inscrit sous les auspices des esprits aĂ©riens du Comte de Gabalis, mais cela ne suffit nullement Ă nous prĂ©venir de lâerratisme gĂ©nĂ©rique, thĂ©matique et Ă©nonciatif qui caractĂ©rise ce rĂ©cit hors-norme. MĂȘme sâil est difficile de reconstituer la façon dont un tel texte pouvait ĂȘtre lu dans le deuxiĂšme tiers du xviiie siĂšcle, dans un contexte oĂč la romancie Ă©tait pĂ©trie de merveilleux, lâextravagance narrative de ce rĂ©cit nous pose aujourdâhui des problĂšmes intĂ©ressants sur le statut de la croyance, telle quâelle peut ĂȘtre Ă la fois mise en scĂšne et mobilisĂ©e, dans lâespace fictionnel. Un dĂ©fi Ă toute croyance 2Suivant quâon sâattache davantage Ă lâintrigue amoureuse ou Ă lâaventure intellectuelle, on rĂ©sumera Lamekis en y voyant soit un mari qui finit par retrouver la parfaite Ă©pouse quâil avait accusĂ©e Ă tort de lâavoir trompĂ©, soit un renoncement pleinement assumĂ© Ă acquĂ©rir la clartĂ© dâesprit et lâimmortalitĂ© promises par une certaine conception de la philosophie. 2 C. de Fieux, chevalier de Mouhy, Lamekis, ou Les Voyages extraordinaires dâun Ăgyptien dans la terr ... 3La ligne principale du rĂ©cit suit lâĂgyptien Lamekis dans un voyage quâil entreprend avec son compagnon SinoĂŒis afin de retrouver son Ă©pouse Clemelis, quâil avait poignardĂ©e en croyant Ă tort quâelle le trompait avec Motacoa, roi des Abdales. Ă la suite de la traditionnelle tempĂȘte initiale, le navire qui les emmĂšne dâĂgypte au royaume des Abdales oĂč vit Clemelis se voit toutefois soudainement emportĂ© par une colonne dâeau un tsunami qui le fait Ă©chouer au sommet dâun arbre dans lâĂźle des Sylphides. Les interactions quâentretiennent les deux voyageurs avec les Sylphes qui peuplent lâĂźle leur font comprendre quâils subissent une Ă©preuve capable de leur assurer lâimmortalitĂ©, pour autant quâils sachent rĂ©primer leurs dĂ©sirs sensuels et ne pas reculer devant la perspective de la douleur physique. Un philosophe du nom de Dehahal leur sert dâinitiateur et de guide au sein de cette Ă©preuve. Il leur raconte comment il est lui-mĂȘme parvenu, seul parmi tous les humains, Ă acquĂ©rir lâimmortalitĂ© en sâexposant Ă une sĂ©rie de supplices culminant en une scĂšne oĂč il sâest vu Ă©corchĂ© vif, la peau arrachĂ©e, le corps morcelĂ©. Alors que le faible SinoĂŒis succombe trĂšs tĂŽt aux tentations de la chair que lui prĂ©sentent des sylphes noirs qui le sĂ©duisent avec force festins et crĂ©atures enchanteresses, Lamekis tient bon Ă travers toutes les manipulations de son dĂ©sir. En revanche, au moment oĂč Dehahal le juge prĂȘt pour la derniĂšre grande Ă©preuve de lâĂ©corchage Ă vif, le protagoniste recule devant la perspective de cette souffrance surhumaine, que lui avait dĂ©peinte le philosophe initiateur. Celui-ci le maudit pour sa faiblesse, avant de le condamner Ă se mĂ©tamorphoser en serpent et Ă ramper jusquâĂ ce quâune femme fidĂšle lui rende sa premiĂšre forme2 ». 3 Sur les enjeux de cette initiation refusĂ©e, je renvoie Ă Y. Citton, Inspiration et renoncement da ... 4Lamekis-serpent retrouve alors son compagnon SinoĂŒis transformĂ© lui-mĂȘme en hibou, tous deux parviennent Ă rejoindre lâinnocente Clemelis Ă la cour de Motacoa, et aprĂšs quelques derniers retournements, ils reprennent leur forme humaine. Lamekis parvient Ă dĂ©voiler les ruses du fourbe Zelimon, dont les mensonges avaient suscitĂ© son injuste jalousie envers sa fidĂšle Ă©pouse, il rentre dans les faveurs du roi, obtient la punition de Zelimon transformĂ© Ă son tour en hibou et finira sa vie en bon gouvernant ». Le philosophe Dehahal rĂ©apparaĂźt toutefois pour prĂ©ciser quâil nâaccordera pas lâimmortalitĂ© Ă Lamekis parce que celui-ci nâa pas su rĂ©sister Ă son dĂ©sir de vengeance et nâa pas demandĂ© au roi la grĂące de Zelimon, alors quâ il y a plus de gloire Ă pardonner quâĂ punir » VIII, 156. Ici aussi, toutefois, loin de regretter un choix qui lâempĂȘche de sâĂ©lever au statut supĂ©rieur du philosophe, Lamekis paraĂźt plutĂŽt se fĂ©liciter de son choix malgrĂ© lâavis de Dehahal, je persistai dans mon ressentiment, je mâen rĂ©jouis dans le secret de mon cĆur, et je dĂ©cidai que si le Ciel me laissait maĂźtre du sort de ce traĂźtre, il ne reprendrait jamais sa premiĂšre forme3 » VIII, 157. 5Au sein de ce premier niveau narratif, Lamekis apparaĂźt donc comme un personnage qui rĂ©siste obstinĂ©ment au devenir-esprit-philosophe que faisait miroiter le rĂ©cit Ă travers les Ă©pisodes situĂ©s dans lâĂźle des Sylphides. Cette obstination rejoint lâinvraisemblable entĂȘtement dont il fait preuve dans sa jalousie envers une Ă©pouse que tous les indices tendaient Ă innocenter. Une telle constance dans la jalousie ou dans la soif de vengeance est dâautant plus frappante quâelle intervient dans un univers oĂč tout se voit chamboulĂ© Ă chaque instant par les Ă©vĂ©nements les plus imprĂ©visibles et les plus cataclysmiques. Le roman de Mouhy sâinscrit encore dans une Ă©poque oĂč le romanesque est synonyme dâinvraisemblances choquantes, dâoutrances stylistiques et de renversements constants, qui nous lassent vite que parce que leur radicale imprĂ©dictibilitĂ© nous apparaĂźt elle-mĂȘme comme conventionnelle et attendue. 6Autour de cette intrigue relativement simple â Lamekis retrouve son Ă©pouse aprĂšs un dĂ©tour par lâĂźle des Sylphides qui lâa transformĂ© en serpent â se greffent en effet de trop nombreux rĂ©cits annexes et enchĂąssĂ©s retraçant les annĂ©es antĂ©rieures de la vie du protagoniste ainsi que lâhistoire du roi Motacoa et de son Ă©pouse, NasilaĂ©. Le roman dans son ensemble a lâallure dâune tempĂȘte sans fin, au sein de laquelle les personnages et le lecteur se voient ballottĂ©s dâun monde Ă lâautre, dâune pĂ©riode Ă lâautre, de catastrophes en catastrophes, de tromperies en traitrises, et dâillusions en hallucinations. Dans les mĆurs bizarres des peuples visitĂ©s, dans les multiples monstres rencontrĂ©s en chemin, dans la soudainetĂ© des retournements de situation, tout est fait pour exacerber des effets de surprise et dâĂ©tonnement, dont lâeffet se tarit toutefois par leur multiplication mĂȘme. 7On voit ainsi le pĂšre de Lamekis se faire persĂ©cuter par la reine SĂ©miramis, dans une guerre qui met aux prises un pouvoir religieux cachĂ© dans des souterrains et un pouvoir politique lâattaquant depuis la surface ; on voit le roi Motacoa devoir affronter, Ă©galement dans les souterrains de la terre intĂ©rieure » annoncĂ©e par le titre, un royaume dâhommes-vers, puis dâhommes-crapauds, quâil vainc grĂące Ă son fidĂšle chien Falbao ; on voit Lamekis lui-mĂȘme se faire recueillir dans un nid dâaigles gĂ©ants, par lequel il se fait adopter et dont il parvient Ă dompter lâaiglon devenu orphelin, aiglon quâil chevauche pour aller venger la mort de son pĂšre en abattant le pouvoir de SĂ©miramis. 4 Sermain, MĂ©tafictions 1670-1730. La rĂ©flexivitĂ© dans la littĂ©rature dâimagination, Paris, C ... 5 En rapprochant lâĂ©criture de Mouhy du procĂ©dĂ© de lâanamorphose productrice de distorsions, de disc ... 8Lâimpression gĂ©nĂ©rale quâen retire le lecteur moderne est celle dâĂȘtre immergĂ© dans un univers chaotique, parfaitement imprĂ©visible, sur lequel on nâa donc aucune maĂźtrise et que lâon subit sur le mode du cauchemar. ConformĂ©ment au dispositif mĂ©ta-fictionnel brillamment analysĂ© par Jean-Paul Sermain4, le problĂšme de la croyance Ă cet univers parfaitement invraisemblable est thĂ©orisĂ© par le roman lui-mĂȘme. Les protagonistes se demandent souvent sâils sont en train de rĂȘver ou sâils sont Ă©veillĂ©s, le rĂ©cit Ă©voluant selon des alternances simples entre horreurs et Ă©vanouissements, espoirs trompeurs et cruelles dĂ©convenues, rĂ©voltes et rĂ©signations, selon une dynamique quâEmmanuelle SempĂšre a judicieusement situĂ©e Ă la charniĂšre du merveilleux et du fantastique, dĂ©jouant toute frontiĂšre stable entre ce qui relĂšve de la conviction, de lâempathie, de la crĂ©dulitĂ© et de lâincrĂ©dulitĂ©. La complaisance avec laquelle Mouhy reprĂ©sente, dĂ©taille et rĂ©pĂšte des scĂšnes dâhumiliation et de supplice contribue sans doute grandement Ă cette impression dâinconfort et de malaise ; le choix des noms propres bizarroĂŻdes et radicalement non-intuitifs quâil attribue Ă ses personnages et dont il modifie souvent la graphie dâun volume Ă lâautre du roman achĂšve de plonger le lecteur dans le dĂ©sarroi que cause la perte de tout repĂšre5. Comment croire Ă quoi que ce soit, dĂšs lors que tout est fait pour saper les certitudes Ă partir desquelles nous essayons de sĂ©parer la vĂ©ritĂ© de lâillusion ? Câest lâune des questions que met en scĂšne ce roman aussi fascinant que dĂ©routant. Puissance des apparences 6 Sur cette scĂ©nographie sylphique, voir, entre autres, M. Delon, Introduction » Ă Sylphes et sylph ... 7 Voir sur cette question la belle analyse de M. Bokobza Kahan, Intrusions dâauteur et ingĂ©rences d ... 9Je laisserai de cĂŽtĂ© lâaspect Ă mes yeux le plus intĂ©ressant de ce roman â la mise en scĂšne des intelligences » sous la figure de Sylphes6 â pour me concentrer ici sur la façon dont, Ă travers ses diffĂ©rents niveaux narratifs, le texte nous invite Ă problĂ©matiser la croyance dâune façon qui rĂ©sonne intimement avec ce que peuvent redĂ©couvrir nos sciences sociales contemporaines. Sans avoir assez de temps pour mettre en place les subtilitĂ©s du cadre Ă©nonciatif Ă©minemment rĂ©flexif dĂ©ployĂ© par Mouhy7, je vais sĂ©lectionner quelques Ă©pisodes et citations qui prĂ©sentent Ă mes yeux lâintĂ©rĂȘt majeur de reconfigurer les paramĂštres Ă lâaide desquels nous jugeons les phĂ©nomĂšnes de croyance dâillusion, de naĂŻvetĂ©, dâapparence, de vĂ©ritĂ©, etc.. 10Je commencerai par un passage oĂč le philosophe Dehahal dĂ©clare Ă Lamekis vouloir rapporter [s]on histoire afin quâelle serve dâexemple », ce qui suscite une note de lâauteur qui noue intimement les ordres narratifs, moraux et politiques Dehahal donne une grande leçon dans ce Passage Ă ceux que le ministĂšre charge de la conduite des autres hommes, en leur faisant connoĂźtre que le bon exemple est le plus fort de tous les moyens dont on peut se servir pour les corriger & pour les amener Ă la perfection. IV, 88 8 Voir sur ce point le bel ouvrage de T. Hampton, Writing from History. The Rhetoric of Exemplarity i ... On retrouve ici des traces du paradigme de lâexemplaritĂ© qui a jouĂ© un rĂŽle si important dans la littĂ©rature de la Renaissance8 et qui se voit, bien entendu, surimposĂ© ici de plusieurs couches dâironie et dâauto-parodie. La puissance de moralisation contenue dans un rĂ©cit dĂ©pendra de la perception de son exemplaritĂ©, laquelle ne sera pas directement liĂ©e Ă lâexistence historique des personnages mis en scĂšne. De mĂȘme quâune fable animale peut vĂ©hiculer une morale Ă©difiante indĂ©pendamment de son irrĂ©alisme de surface, de mĂȘme un rĂ©cit fictionnel peut-il contribuer Ă corriger » les hommes et Ă les amener Ă la perfection ». En dâautres termes on peut ne pas croire Ă la rĂ©alitĂ© dâune fable, et nĂ©anmoins croire Ă la leçon morale que son intrigue illustre. 11Cette grande leçon » de politique ne se contente pas de renverser les rapports de pouvoir entre le Prince et le PoĂšte. Elle met surtout en lumiĂšre tout ce que le pouvoir politique doit Ă la sphĂšre du spectacle qui, au fil des rĂ©cits quâelle met en circulation, fraie les sensibilitĂ©s morales des citoyens, oriente leurs aspirations, stimule sĂ©lectivement leurs indignations et sculpte leurs espoirs. Les fables que nous lisons configurent nos repĂ©rages existentiels en termes de justice et dâinjustice Ă chaque fois quâelles tracent et retracent un cheminement narratif entre les difficultĂ©s de la vertu et les Ă©cueils du vice. 12Une fiction perçue comme exemplaire par un certain public fonctionne comme un attracteur de rĂ©alitĂ© indĂ©pendamment de son irrĂ©alitĂ© originelle, elle pourra faire advenir dans la rĂ©alitĂ© des types de comportements qui en Ă©taient auparavant exclus. Sâil faut un pouvoir institutionnel dâordre politique pour inscrire un sujet dans un rĂ©seau de communication oĂč il puisse ĂȘtre reconnu comme tel, il faut Ă©galement des rĂ©cits toujours plus ou moins fictifs pour permettre aux institutions sociopolitiques de prendre forme et rĂ©alitĂ© au sein dâune multitude. Il nây a pas ici crĂ©ation ex nihilo, mais un processus de concrescence susceptible parfois dâaccĂ©lĂ©rations dramatiques qui accumule, approfondit, surimpose, redirige des frayages successifs qui en arrivent progressivement Ă pouvoir canaliser les sensibilitĂ©s et les affects. 13Faire dâun tel processus de concrescence le principe mĂȘme du pouvoir constituant par lequel sâexpliquent lâĂ©mergence et lâĂ©volution de nos institutions sociales, et considĂ©rer lâexemplaritĂ© narrative comme le grain de sable autour duquel prennent forme et rĂ©alitĂ© les trĂšs imparfaites perles institutionnelles qui organisent nos sociĂ©tĂ©s, cela contribue Ă reconfigurer dramatiquement la notion dâautoritĂ©. Celle-ci ne repose plus seulement dans Celui qui, du Haut, valide lâexistence sociale des sujets en formation au-dessous de Lui. Elle relĂšve bien plutĂŽt dâune circulation de validitĂ© et de recevabilitĂ©, ou encore dâune autorisation circulaire qui se dĂ©roule bien plus horizontalement que verticalement, entre des esprits qui valent autant par leur masse que par leur statut plus ou moins privilĂ©giĂ©. Dans la sphĂšre des esprits, le Pouvoir se prĂ©sente moins comme un pouvoir-agir que comme un pouvoir-dâĂȘtre-cru. Câest ce que met assez suggestivement en scĂšne un double Ă©pisode qui fait le corps de la troisiĂšme partie de Lamekis. 14Au sein dâun niveau narratif consacrĂ© aux aventures souterraines de Motacoa le pĂšre adoptif de Lamekis, une sĂ©rie de monstres bizarres et hybrides attaquent le hĂ©ros ainsi que son fidĂšle chien Falbao. Alors que la force physique supĂ©rieure de Falbao suffit Ă dĂ©faire les hommes-vers, quelque chose dâ extraordinaire » se passe au cours de lâaffrontement avec les hommes-crapauds au lieu que les combats se jouent Ă coups de poings, dâĂ©pĂ©es ou de morsures, câest soudainement un charme inconnu » qui paralyse lâinvincible chien dĂšs lors quâun simple Ă©tendard de la Chouette » captive ses regards ce vil aspect lui paroissoit redoutable, intimidoit ses regards », au point de neutraliser complĂštement sa force de combat et de rĂ©sistance. EncerclĂ© dâennemis et privĂ© de son plus vaillant adjuvant, Motacoa se croit perdu lorsquâil sâaperçoit ĂȘtre lui-mĂȘme porteur dâun heureux ascendant » la fureur qui parut dans mes yeux, ou pour mieux dire, leur charme secret, causa un effroi si subit & si prodigieux Ă cette foule acharnĂ©e Ă ma perte quâelle disparut une seconde fois en jetant des hurlemens affreux » III, 15-19. Les mĂȘmes prodiges se reproduisant Ă plusieurs reprises, le hĂ©ros en dĂ©duit que les aspects ont une puissance propre sur les individus â un charme â de par les impressions quâils font sur leur esprit, et il comprend du mĂȘme coup que câest moins par sa vigueur physique que par un enchantement similaire que Falbao Ă©tait parvenu Ă dĂ©faire ses ennemis prĂ©cĂ©dents les Tumpingands En examinant les choses avec prĂ©cision, je ne pus mâempĂȘcher de croire que je portois dans mes yeux lâassurance de ma victoire, & que leur aspect donnoit des coups assurĂ©s Ă lâennemi qui fuyoit. [âŠ] Lâaspect de cet hideux Oiseau Ă©toit pour [Falbao] ce que le sien avoit Ă©tĂ© aux Tumpingands, & je nâeus pas lieu bientĂŽt de douter que le mien ne portĂąt sur nos ennemis prĂ©sens toute la force de ses meurtiers ascendans. [âŠ] Sans des exemples journaliers de lâeffet de ces antipathies, ne donneroit-on pas Ă ces vĂ©ritĂ©s le nom de fictions ? III, 19, 23 et 25 On a donc ici lâexemple dâune fiction qui rencontre la rĂ©alitĂ© en y produisant des effets bien rĂ©els. Que la simple vue dâune Chouette, rĂ©ellement inoffensive, puisse rĂ©ellement terrasser un molosse cent fois plus fort quâelle, voilĂ non seulement qui paraĂźt relever de la fiction, mais voilĂ aussi qui souligne la puissance de la fiction, dĂšs lors quâil suffit de peindre une chouette sur un Ă©tendard ou de feindre un regard furieux pour obtenir les mĂȘmes effets dans la rĂ©alitĂ©. 15Ă travers cette scĂšne de combat symbolique », Motacoa dĂ©couvre simultanĂ©ment trois choses 1o le simple aspect dâun ĂȘtre lâapparence quâil projette contient une force propre dâimpression immatĂ©rielle qui nâest nullement rĂ©ductible Ă sa force physique matĂ©rielle, selon lâexemple lĂ©gendaire de la MĂ©duse ou du serpent Basilic invoquĂ© Ă propos de Falbao ; 2o on peut dĂ©truire ou produire ces objets particuliers dont lâaspect exerce un charme, un ascendant prodigieux, sur nos ennemis ou sur nos alliĂ©s ; 3o lâeffectivitĂ© de tels charmes est dâordre relationnel, puisquâelle ne rĂ©side pas tant dans leur force interne que dans un certain pathos une certaine sensibilitĂ© et rĂ©ceptivitĂ© propre Ă ceux auxquels on a affaire, de telle sorte que lâefficience de ces antipathies ou de ces sympathies doit ĂȘtre localisĂ©e entre celui qui voit et ce qui est vu plutĂŽt que dans lâun ou lâautre de ces pĂŽles. 16Cent Tumpingands disposent de la force matĂ©rielle pour Ă©craser un chien, quelle que soit sa bravoure ; Falbao dispose de la force matĂ©rielle nĂ©cessaire Ă transformer en pĂątĂ©e un ou deux hommes-crapauds porteurs de drapeau. On ne comprend ce qui dĂ©cide de lâissue rĂ©elle de tels affrontements quâen prenant en compte quelque chose dâautre que la force matĂ©rielle un effet de lâaspect des choses parfaitement disproportionnĂ© avec leur constitution matĂ©rielle objective. En continuitĂ© avec les longs chapitres dĂ©diĂ©s par le roman Ă lâĂźle des Sylphides â lieu propre des intelligences et des esprits â je dirai quâil faut se placer sur le plan de lâesprit dĂšs lors que lâeffet de lâimpression ne sâexplique plus seulement par la quantitĂ© ou par la qualitĂ© matĂ©rielles de la pression exercĂ©e, mais par une certaine disproportion entre le mouvement reçu et la rĂ©action causĂ©e â disproportion qui dĂ©finit une rĂ©ceptivitĂ© subjective particuliĂšre. Puissance de la multitude 9 Cette dimension politique de Lamekis paraĂźt constitutive de son dĂ©cor Ă©gyptien, sâil faut en croire ... 17MalgrĂ© ses allures monstrueusement chaotiques, le roman de Mouhy enchaĂźne trĂšs logiquement sur cette dĂ©couverte de la puissance des apparences deux Ă©pisodes consacrĂ©s aux formes les plus frappantes, ainsi que les plus importantes, de cette disproportion entre les causes matĂ©rielles et les effets spirituels lâexpĂ©rience amoureuse et les conflits politiques9. AprĂšs avoir dĂ©couvert pour la premiĂšre fois les impressions que fait lâaspect dâune femme aimĂ©e, en lâoccurrence la princesse NasilaĂ©, Motacoa Ă©coute celle-ci raconter lâhistoire de sa vie, dont lâĂ©vĂ©nement principal tourne autour dâun effort politique de transformation lĂ©gislative. 18Tout part dâun pathos Ă©prouvĂ© par NasilaĂ© une antipathie effroĂŻable pour la pratique de deux Loix qui rĂ©pugnoient entiĂšrement Ă [s]a façon de penser » III, 39. Les lois en question lui interdisaient de voir son pĂšre et lui enjoignaient de choisir un mari parmi de vils prĂ©tendants ». La princesse rĂ©ussit Ă faire que son pĂšre, le bon Indiagar, roi des AmphiclĂ©ocles, circonscrive la premiĂšre loi et lui accorde une entrevue secrĂšte. Malheureusement la Grandâ-PrĂȘtresse, la fourbe Lea-Minska, a vent de cette transgression et, au nom de la dĂ©fense des traditions reçues, exige que NasilaĂ© soit exĂ©cutĂ©e et son pĂšre dĂ©trĂŽnĂ© en punition de leur crime. Sâensuit un long conflit politique entre, dâune part, la Grandâ-PrĂȘtresse qui se sert des superstitions pour manipuler le peuple et, dâautre part, un roi Ă©clairĂ© auquel la raison a enseignĂ© Ă distinguer dans le nombre des Loix imposĂ©es, celles qui sont Ă©manĂ©es de la sagesse divine dâavec celles qui sont enfantĂ©es par la politique de ses ministres » III, 55. On retrouve ici en apparence le grand rĂ©cit stĂ©rĂ©otypĂ© des LumiĂšres raison critique contre illusions superstitieuses, rĂ©formisme progressiste contre traditionalisme passĂ©iste, bon prince Ă©clairĂ© contre prĂȘtres et ministres corrompus. 19LâintĂ©rĂȘt et lâoriginalitĂ© de lâĂ©pisode tiennent cependant au statut central que jouent les manipulations du regard dans la captation des croyances de la multitude. Toute cette description des conflits politiques est en effet fondĂ©e sur un double renversement. Dâune part, ce qui rĂšgne chez les AmphiclĂ©ocles, ce nâest ni un roi, ni une Grandâ-PrĂȘtresse, mais les opinions de la multitude. Au sommet de son intensitĂ©, le conflit entre les deux rivaux reprĂ©sentants du pouvoir monarchique et du pouvoir thĂ©ologique se rĂ©sout dans une scĂšne qui tient dĂ©jĂ du sondage ou du rĂ©fĂ©rendum comme vote de confiance. Les deux prĂ©tendants au pouvoir sont mis sur une machine en forme de balance, et ce sont les inclinations des spectateurs qui feront pencher la victoire dans lâun ou lâautre camp La Grandâ-PrĂȘtresse avoit la supĂ©rioritĂ© du thrĂŽne parce quâelle reprĂ©sentoit le Dieu des AmphiclĂ©ocles ; mais de la Grande Tribune, lâIndiagar se trouvoit son Ă©gal, & le peuple seul pouvoit faire tomber la balance du cĂŽtĂ© que son inclination lui dictoit. III, 88 20Un texte de loi lu ultĂ©rieurement pour vider la querelle prĂ©cisera lui aussi quâil appartient au peuple assemblĂ© de porter un jugement dĂ©finitif » III, 102. DĂšs lors que la dĂ©cision ultime, le jugement dĂ©finitif », vient du public des spectateurs, et plus prĂ©cisĂ©ment de ses inclinations », qui font tomber la balance de lâautoritĂ© du cĂŽtĂ© qui lui plaira, câest au bon plaisir de la multitude quâest suspendu le pouvoir politique. 21Le rĂ©cit nous fait aborder un imaginaire politique qui remonte Ă La BoĂ©tie ou Ă Marsile de Padoue, et qui â Ă travers Spinoza â situe la source du pouvoir politique dans la puissance de la multitude » multitudinis potentia, que les institutions Ă©tatiques aussi bien que religieuses ne font que capter, gĂ©nĂ©ralement pour la dĂ©tourner au profit de leurs dirigeants. Au sein de cet imaginaire qui ne reprĂ©sente plus le pouvoir comme venant du Haut pour sâabattre sur le peuple, mais qui le fait Ă©maner dâune puissance Ă situer au sein de la basse multitude elle-mĂȘme, lâĂ©pisode du conflit entre Indiagar et la Grandâ-PrĂȘtresse illustre de façon proprement exemplaire les stratĂ©gies de captation et de gestion des affects communs, des flux de croyances et de dĂ©sirs qui constituent la substance mĂȘme de la politique du point de vue de cette tradition philosophique. 22Face Ă une opposante qui est parvenue Ă susciter un mouvement dâindignation au sein du peuple, le roi ne peut dâabord que cĂ©der Ă la rumeur publique » III, 56. MĂȘme lorsquâil cherche Ă ĂȘtre un prince Ă©clairĂ© â et Ă©clairant un Enlightener, un AufklĂ€rer â il ne doit jamais oublier que, contrairement Ă un sujet ordinaire », qui peut se contenter de jouir de lui-mĂȘme » et de se laisser conduire par la raison », le dĂ©tenteur du pouvoir politique est condamnĂ© Ă ĂȘtre lâesclave des apparences », des prĂ©jugĂ©s », voire des frĂ©nĂ©sies » de la multitude Cent fois, dans le dessein dâouvrir les yeux Ă un peuple aveugle, jâai tĂąchĂ© dâappuyer de si saintes vues du crĂ©dit de ceux qui ont droit dâentraĂźner leur suffrage ; mais tel est lâentĂȘtement, ĂŽ Princesse, de ceux mĂȘme quâune Ă©ducation Ă©levĂ©e doit Ă©clairer, le prĂ©jugĂ© domine, la faiblesse du vulgaire a consacrĂ© ces fastueux usages ! en vain la raison veut-elle percer cette ignorante obscuritĂ©, il semble que lâon se plaise dans ces tĂ©nĂšbres & quâon rougiroit de voir dissiper des nuages dont lâorgueil, lâindolence & la mollesse sont les principes. III, 64 23DerriĂšre les anciens topoi du mĂ©pris condescendant des Ă©lites » Ă©clairĂ©es envers lâindĂ©crottable ignorance des masses », cet Ă©pisode de Lamekis fait apparaĂźtre Ă la fois une trĂšs intĂ©ressante acceptation de la force effective des croyances populaires et une suggestive attitude de stratĂ©gisation possible des facteurs qui gouvernent les flux de croyances et de dĂ©sirs. DerriĂšre lâopposition binaire et rĂ©actionnaire entre les lumiĂšres de la raison et lâignorante obscuritĂ© » oĂč se complaĂźt la faiblesse du vulgaire » orgueilleux, indolent et mou, Mouhy agence un discret retournement câest chez ceux mĂȘme quâune Ă©ducation Ă©levĂ©e doit Ă©clairer » que le prĂ©jugĂ© domine ». Plus subtilement et plus radicalement, les flux de croyances sont dĂ©crits comme ayant plus de force que les actes de souverainetĂ© il ne sâagit pas dâassujettir ceux qui pensent mal aux ordres de ceux qui ont lâautoritĂ© de leur commander, mais seulement dâappuyer une proposition de rĂ©forme sur le crĂ©dit de ceux qui ont droit dâentraĂźner leur suffrage ». La formule est frappante le droit » ne vaut pas comme une source de pouvoir en soi Ă©manant dâune souverainetĂ© supĂ©rieure, mais seulement comme ce qui contribue Ă asseoir et Ă augmenter le crĂ©dit » la crĂ©dibilitĂ©, la recevabilitĂ© dâune action politique. On ne se situe pas ici dans un imaginaire de lâacte politique, mais dans un imaginaire de la circulation des flux de croyances, destinĂ©es Ă entraĂźner, selon leur intensitĂ©, plus ou moins de suffrages. 24ConformĂ©ment Ă lâallĂ©gorie sylphique, il nâest pas indiffĂ©rent que cet imaginaire convoque des mĂ©taphores aĂ©riennes et vaporeuses pour sâinventer une expression digne de lui. Le roi, qui vient dâexpliquer Ă sa fille que la raison Ă©tait incapable de dissiper les nuages » des illusions populaires, se dit confiant, quelques pages plus loin, que sa seule prĂ©sence alloit dissiper les nuages de la rĂ©bellion » III, 70. Câest en effet lâair qui, depuis lâĂ©picurisme antique, est perçu comme lâĂ©lĂ©ment Ă travers lequel agissent des formes dâĂȘtres trĂšs subtils, auxquels LucrĂšce rĂ©servait le nom de simulacres. Comme dans les souterrains oĂč se battaient Motacoa et son chien Falbao, câest Ă travers une guerre des images que se rĂ©sout le conflit politique entre Indiagar et la Grandâ-PrĂȘtresse. En plus de mettre en scĂšne lâimaginaire de la dĂ©mocratie radicale fondĂ©e sur la potentia multitudinis, cet Ă©pisode donne aussi une leçon de stratĂ©gie politique, au terme de laquelle la captation des affects repose sur des propriĂ©tĂ©s trĂšs particuliĂšres de lâutilisation du spectacle. Puissance du simulacre 25Au sein de la machine Ă spectacle qui tranchera entre les deux prĂ©tendants au pouvoir politique, selon les inclinations et les suffrages de la multitude, câest lâapparition de la figure du roi qui constitue le facteur de basculement du conflit, en suscitant une acclamation gĂ©nĂ©rale la majestĂ© du Roi dĂ©racina dans un instant la rĂ©bellion & grava dans les cĆurs les sentiments de respect & dâamour » III, 89. Ă lâinverse, câest parce que la Grandâ-PrĂȘtresse ne peut pas se prĂ©senter aux regards Ă lâinstant dĂ©cisif que sa cause est perdue il fut heureux que la Loi qui dĂ©fendoit au peuple de jetter les yeux sur elle eĂ»t lieu, cet aspect respectable Ă©toit capable de le toucher & de le porter une seconde fois Ă la rĂ©volte » III, 105. 26Comme dans les combats souterrains de Motacoa, câest le pouvoir propre de lâaspect qui est le nerf de la guerre en politique. On croit ce quâon voit â mĂȘme si ce quâon voit ne relĂšve que dâun spectacle dâapparences. Les images qui flottent Ă travers les airs nous touchent et gravent en nous certains sentiments indignation, respect câest de ces impressions que rĂ©sulte le maintien en place dâun pouvoir Ă©tabli ou la rĂ©ussite dâune rĂ©bellion. En une paronomase significative, Mouhy souligne que câest lâaspect qui contient dans le respect » III, 85. La chose est Ă entendre littĂ©ralement ce sont les images les aspects » qui capturent, canalisent et orientent contiennent » les flux molĂ©culaires de croyances et de dĂ©sirs respect » qui circulent au sein dâune sociĂ©tĂ© et qui animent sa vie spirituelle collective. 27Outre lâimage corporelle du roi ou de la Grandâ-PrĂȘtresse, ce sont bien entendu dâautres aspects qui peuvent produire des effets apparemment aussi magiques » câest-Ă -dire disproportionnĂ©s Ă leurs seules propriĂ©tĂ©s physiques. Ă cĂŽtĂ© de lâimpression paralysante que peut causer un Ă©tendard de hibou sur lâintrĂ©pide Falbao, la scĂ©nographie politique rapportĂ©e par NasilaĂ© Ă©voque divers objets investis dâaussi extraordinaires » pouvoirs, dont une babouche et un Ki-argouh reprĂ©sentant une effigie du Roi ». Une note explicative prĂ©cise la nature de ces pouvoirs sur les sujets » auxquels il est prĂ©sentĂ© Ils avoient une telle vĂ©nĂ©ration pour lâaspect de ce signe, que lorsquâil leur Ă©toit montrĂ©, ils fermoient les yeux, comme se reconnaissant indignes de voir en face cette Effigie sacrĂ©e. » III, 78 28On mesure le paradoxe visuel dont se nourrit ce type dâobjet, pour lequel le rĂ©cit rĂ©servera le terme de simulacre on ne peut le voir quâen fermant les yeux, et pourtant il faut lâavoir vu pour savoir/sentir quâil faut fermer les yeux devant lâinterdit de regard dont il est porteur. Le simulacre illustre le pouvoir propre dâune image qui sâimpose avec la plus grande force dont puisse disposer une image en mĂȘme temps quâelle sâabolit comme image. Si lâon essaie de reconstituer la hiĂ©rarchie des puissances qui structure le monde dĂ©peint au sein de Lamekis, on sâaperçoit que ce ne sont pas les rois qui dominent les populations, mais les simulacres. Une autre note Ă©rudite prĂ©cise en effet que le Roi paroissait devant le Simulacre avec les mĂȘmes cĂ©rĂ©monies que ses Sujets observoient devant lui » III, 90. Les princes de ce monde sont soumis au pouvoir des simulacres, de la mĂȘme façon que les sujets sont soumis aux princes. 29Une autre figuration suggestive du simulacre est proposĂ©e dans le mĂȘme Ă©pisode Ă travers lâimage du plus sacrĂ© ouvrage des AmphiclĂ©ocles, le Livre dâairain. Comme de juste, il reprĂ©sente lui aussi un dĂ©fi au regard lorsquâon ouvroit le Livre des Loix, le privilĂšge des yeux cessoit & le peuple Ă©toit obligĂ© de lui tourner le dos comme au Simulacre » III, 96. Le Kafka de Vor dem Gesetz nâa pas rĂȘvĂ© pire le livre des Lois ne peut sâouvrir quâavec les yeux fermĂ©s. Or les rares privilĂ©giĂ©s qui ont lâautorisation de lire ce Livre dâairain y dĂ©couvrent un texte » des plus dĂ©routants il nâĂ©toit rempli que de points et de virgules, & câĂ©toit la maniĂšre dont ces caractĂšres Ă©toient disposĂ©s qui signifioit les mots » III, 80. Si lâon se souvient que les marques de ponctuation ont pour fonction de scander les flux de paroles, en indiquant les moments de pause et de respiration quâil faut y insĂ©rer, on verra un autre paradoxe pragmatique dans la note Ă©rudite qui suit immĂ©diatement cette description du Livre lorsque le Souverain des AmphiclĂ©ocles permettoit Ă un de ses sujets de respirer, câĂ©toit lui commander de mourir » III, 80⊠Tuer quelquâun en lui enjoignant de respirer est aussi difficile que lire un livre les yeux fermĂ©s. Câest dans le monde dâOrwell quâon est cette fois plongĂ© le regard, câest la cĂ©citĂ© ; la respiration, câest la mort ; le Souverain, câest le peuple ; la paix, câest la guerre. 30On est bien ici au cĆur des antipathies qui paraissent relever de la plus extraordinaire fiction, mais que le narrateur nous invite Ă ramener Ă des exemples quotidiens ». Or une autre note savante nous apprend que les AmphiclĂ©ocles disposaient dâune procĂ©dure pour ne pas succomber Ă de telles antipathies â procĂ©dure qui sâinscrit dans lâimaginaire sylphique des esprits Ă©lĂ©mentaires », que lâon peut contraindre Ă rentrer dans leur tourbillon par la force de la grande PriĂšre » Ces Peuples Ă©toient persuadĂ©s que les atomes quâils respiroient Ă©toient autant dâesprits purs ou impurs selon le bien ou le mal quâils faisoient ; il Ă©toit encore de foi parmi eux que lorsque la quantitĂ© des impurs sâĂ©toient emparĂ©e dâeux & en avoit chassĂ© les bons esprits, ils mouroient subitement, & quâils Ă©toient transformĂ©s en reptiles affreux et toujours malheureux. Leur ThĂ©ologie leur apprenoit Ă se garantir contre cette horrible infortune en prononçant trois mots mystĂ©rieux, quâils appeloient par excellence la grande PriĂšre. III, 50 31Le jeu des apparences et des croyances qui en rĂ©sultent nous situe bien dans le monde des esprits ». Les simulacres et les aspects qui forcent le respect des membres dâune collectivitĂ© ne sont que des Ă©manations subtiles et aĂ©riennes des vapeurs, des esprits animaux â des influx neuronaux, dirait-on aujourdâhui en se croyant plus avancĂ©. Le Livre dâairain nâest fait que du souffle des marques de ponctuation. Câest en nous forçant Ă respirer que le pouvoir souverain nous menace de mort et nous assujettit. Quâest-ce donc que la grande PriĂšre, sinon le souffle de trois mots qui, en sortant de notre bouche, repousse les mauvais esprits dâautres mots nĂ©fastes ou malintentionnĂ©s ? Dans tous les cas, le merveilleux mis en scĂšne dans Lamekis nous aide Ă percevoir les flux atomiques et molĂ©culaires qui nous pĂ©nĂštrent, nous influencent, nous traversent et nous agissent, quâils sâinsinuent en nous Ă travers la scansion de nos paupiĂšres ou quâils circulent en un va-et-vient rythmĂ© par notre respiration. 32JâespĂšre avoir fait sentir Ă quel point la monstruositĂ© » apparente du roman de Mouhy recĂšle une force de suggestion et une densitĂ© signifiante bien propres Ă nous couper le souffle. LâĂ©pisode des AmphiclĂ©ocles racontĂ© par NasilaĂ© conduit Mouhy Ă engager son rĂ©cit dans un emballement vertigineux. Lâappareil des notes Ă©rudites permet Ă une imagination admirablement retorse de dĂ©fier lâintelligence du lecteur en mĂȘme temps quâil donne Ă lâauteur lâoccasion de saper joyeusement toute prĂ©tention dâautoritĂ© et de vĂ©ridiction. Ces notes attribuĂ©es Ă Scaliger, Strabon, M. de Thou ou Mme Dacier â voire Ă un texte inĂ©dit dâAristote lui-mĂȘme â tendent tout Ă la fois Ă incarner et Ă dĂ©jouer par avance la critique ethnologique qui se met en place Ă lâĂ©poque du cĂŽtĂ© des rĂ©cits de voyageurs. En dĂ©nonçant les superstitions » des AmphiclĂ©ocles Ă partir dâune posture dâiconoclaste, lâĂ©diteur adopte le discours du Moderne qui, du haut de sa certitude rationaliste triomphante, dĂ©nonce lâinanitĂ© des croyances primitives dont sâillusionnent les autres cultures. 10 Sur les rĂ©sonances entre lâimaginaire ethnographique et la littĂ©rature merveilleuse, voir les beaux ... 33Pour conclure cette rĂ©flexion sur la croyance dans Lamekis, il convient de situer ce roman dans un triple contexte historique, qui lâinvestit dâenjeux essentiels au repĂ©rage de la mise en scĂšne des esprits » dans la littĂ©rature et lâimaginaire du xviiie siĂšcle. Le premier Ă©lĂ©ment de contexte est justement fourni par la constitution du regard ethnologique quâadoptent les EuropĂ©ens en rĂ©digeant leurs rĂ©cits de voyages rĂ©els ou imaginaires au contact dâautres cultures10. Or il se trouve quâun des textes importants de cette littĂ©rature, quelque peu postĂ©rieur Ă Lamekis, va inventer un mot qui sâefforce de dĂ©signer prĂ©cisĂ©ment le type dâefficience symbolique que Mouhy visait Ă travers sa mise en scĂšne des simulacres. Et il se trouve que câest Ă©galement en rĂ©fĂ©rence Ă peine moins fantaisiste Ă lâĂgypte que se fera cet Ă©pinglage ethnologique du simulacre. 11 C. de Brosses, Du culte des dieux fĂ©tiches ou ParallĂšle de lâancienne religion de lâĂgypte avec la ... 12 C. de Brosses, Du culte des dieux fĂ©tiches, ouvr. citĂ©, p. 11 et 18-19. 34Dans son ouvrage intitulĂ© Du culte des dieux fĂ©tiches ou ParallĂšle de lâancienne religion de lâĂgypte avec la religion actuelle de Nigritie, le prĂ©sident Charles de Brosses crĂ©e le nĂ©ologisme fĂ©tiche », tirĂ© du portugais Fetisso », quâil traduit par chose fĂ©e, enchantĂ©e, divine ou rendant des oracles » et quâil fait remonter de façon contestĂ©e aujourdâhui Ă la racine latine Fatum, Fanum, Fari 11 » ces FĂ©tiches divins ne sont autre chose que le premier objet matĂ©riel quâil plait Ă chaque nation ou Ă chaque particulier de choisir et de faire consacrer en cĂ©rĂ©monie par ses PrĂȘtres », ce sont des choses douĂ©es dâune vertu divine, des oracles, des amulettes, & des talismans », que les NĂšgres », Ă la suite des Ăgyptiens, regardent en gĂ©nĂ©ral comme tutĂ©laires pour les hommes & comme de puissans prĂ©servatifs contre toute sorte dâaccidens12 ». 35Lâavertissement Ă la troisiĂšme partie de Lamekis avait dĂ©jĂ parfaitement identifiĂ© les fonctions du fĂ©tiche » que le prĂ©sident de Brosses nommera vingt-cinq ans plus tard Je crois devoir encore assurer que cet Ouvrage porte avec lui le sacrĂ© talisman de la cabale la plus mystĂ©rieuse. Si mes lecteurs veulent bien sâen rapporter Ă ma parole, ils ne sortiront jamais sans ce livre admirable ; il prĂ©serve de tous les maux, procure les aventures fortunĂ©es, Ă©loigne les Ă©vĂ©nemens bizarres & capricieux, donne de lâesprit Ă ceux qui nâen ont pas. III, v Ă premiĂšre vue, lâauto-dĂ©rision dont fait preuve Mouhy paraĂźt lâaligner sur le rejet drastique opĂ©rĂ© par le prĂ©sident de Brosses quant Ă toute rĂ©alitĂ© effective des fĂ©tiches. Ce qui sera attribuĂ© par lâethnologue Ă la stupiditĂ© brute » des NĂšgres, le romancier en joue comme dâune crĂ©dulitĂ© incroyable, que lâon peut pousser Ă ses extrĂ©mitĂ©s pour en faire un objet de persiflage â promettant aux lectrices que tous leurs dĂ©sirs seront accomplis avant la fin de lâannĂ©e », pour autant quâelles lisent le livre le neuviĂšme jour de mai Ă trois heures aprĂšs minuit » III, vii. Il coĂ»te aussi peu de se moquer des femmes lectrices de romans que de mĂ©priser les NĂšgres fabricateurs de fĂ©tiches. 36Un deuxiĂšme Ă©lĂ©ment de contextualisation pourrait confirmer cette attitude commune, dĂšs lors quâon repĂšre dans Lamekis des allusions discrĂštes mais suivies Ă lâaffaire des Convulsionnaires. Il nâest guĂšre difficile de reconnaĂźtre les miracles Ă lâoccasion desquels lâEsprit sâexprimait Ă travers les inspirĂ©es du cimetiĂšre de Saint-MĂ©dard, derriĂšre la Grandâ-PrĂȘtresse qui fronde le pouvoir monarchique dâIndiagar en prophĂ©tisant la ruine du Royaume et en se frappant la poitrine » au pied du Simulacre » [âŠ] la force de son discours la conduisit bientĂŽt dans lâenthousiasme divin des foudroyans oracles ; tous ses traits changent, annoncent la convulsion ; ses yeux sortent furieux de sa tĂȘte & semblent verser des larmes de sang. III, 74 37Ces scĂšnes qui avaient dĂ©frayĂ© la chronique des annĂ©es 1730, et qui continueront Ă hanter le siĂšcle Ă travers les multiples relations » de guĂ©risons, de possessions et dâautomutilations qui en seront faites jusquâĂ la RĂ©volution, sont clairement Ă situer Ă lâarriĂšre-fond de lâimaginaire des esprits ». Elles se reconnaissent non seulement dans la confrontation politico-thĂ©ologique entre le roi et la prĂȘtresse, mais aussi en filigrane parodique des multiples scĂšnes dâinspiration, dâinitiation, dâĂ©preuve et de supplice de Dehahal que multiplie Mouhy dans Lamekis. 13 Sur les Convulsionnaires et le figurisme dans les milieux jansĂ©nistes, voir les ouvrages de C. Mair ... 38De Brosses suggĂšrera dâailleurs que les Convulsionnaires partageaient les illusions des fĂ©tichistes, lorsquâil fera du figurisme » la racine des superstitions quâil dĂ©nonce13. Et câest pour se moquer de tout figurisme que Mouhy â qui dĂ©die des centaines de pages Ă peindre les merveilles de lâĂźle des Sylphides, des esprits immatĂ©riels qui lâhabitent et des intelligences supĂ©rieures qui nous en parviennent â sâamuse Ă rabaisser les souffles spirituels au statut malodorant de pet dans une note au rĂ©cit hautement mystique de Dehahal un Auteur moderne a dit fort agrĂ©ablement que lorsquâun vent nous incommodoit, câĂ©toit un Sylphe que nous avions dans le corps, qui vouloit sâen Ă©chapper » IV, 106. Câest bien en iconoclaste radical que se comporte Mouhy dans ses notes, ses pĂ©ritextes et ses mises en scĂšne de la crĂ©ation littĂ©raire, puisquâil sâingĂ©nie Ă casser toutes les images quâil a produites lui-mĂȘme et qui ne courent dĂšs lors aucun risque de se transformer en idoles. Ne croire Ă rien â ou du moins Ă rien dâautre que les faits dĂ»ment Ă©tablis par des procĂ©dures empiriques et rationnelles â voilĂ apparemment la position Ă laquelle nous convie le roman, comme tant dâautres textes cĂ©lĂšbres des LumiĂšres encore en gestation en ces annĂ©es 1730. 39MalgrĂ© des analogies superficielles, la posture du romancier se distingue toutefois nettement de celle de lâethnologue. En accomplissant le geste que Bruno Latour a identifiĂ© comme emblĂ©matique de lâattitude moderne, le second dĂ©nonce le fĂ©tichisme au nom dâun savoir qui vise Ă dĂ©truire la croyance superstitieuse pour lui substituer la raison scientifique. Le geste accompli par Mouhy est beaucoup plus complexe et fondamentalement diffĂ©rent. On ne le comprend quâen le resituant dans un troisiĂšme Ă©lĂ©ment de contexte, fourni par le dĂ©veloppement de genres littĂ©raires centrĂ©s autour du merveilleux. Il est bien clair de Mouhy ne croit pas que son roman porte avec lui le sacrĂ© talisman de la cabale la plus mystĂ©rieuse », qui assurera prospĂ©ritĂ© financiĂšre et sentimentale de son lecteur â pas plus que Perrault, Madame dâAulnoy ou Hamilton ne croyaient » Ă lâexistence des fĂ©es ou que Galland ne croyait voir des gĂ©nies sortir des bouteilles. Les conventions propres de la littĂ©rature merveilleuse tendent toutefois Ă dĂ©jouer simultanĂ©ment les croyances et les dĂ©nonciations des croyances â lorsque ces dĂ©nonciations se font au nom dâune vĂ©ritĂ© ou dâune rĂ©alitĂ© dont lâexistence serait, elle, bien Ă©tablie. 40Alors quâen bon moderne, le prĂ©sident de Brosses dĂ©nonce les fĂ©tiches Ă partir dâune prĂ©somption de connaissance de certains faits bien Ă©tablis, la fiction merveilleuse jongle avec des fĂ©es et des sylphes dont la dynamique tend Ă rĂ©cuser la distinction mĂȘme quâĂ©tablit le moderne entre faits et fĂ©tiches, entre objectivitĂ© et subjectivitĂ©, entre science et illusion, entre savoir et croyance. La sape de toute forme dâautoritĂ© dans les pĂ©ritextes, le dĂ©membrement de toute figure dâautorialitĂ© dans les reprĂ©sentations de lâĂ©criture, la mise en scĂšne ridicule et outrĂ©e du geste mĂȘme de dĂ©nonciation de la croyance superstitieuse au sein des notes faussement savantes â tout cela dĂ©stabilise aussi bien le statut des faits que celui des fĂ©tiches. 14 B. Latour, Sur le culte moderne des dieux faitiches [1996], Paris, Les EmpĂȘcheurs de penser en rond ... 41Mieux encore deux siĂšcles et demi avant que Bruno Latour nâen invente le mot, Mouhy et avec lui toute une littĂ©rature merveilleuse de lâĂąge classique met dâores et dĂ©jĂ au jour la dynamique de ce mixte indissociable de fĂ©tiches et de faits quâest le faitiche â Ă savoir une rĂ©alitĂ© qui est Ă la fois fabriquĂ©e par des pratiques humaines comme le fĂ©tiche et nĂ©anmoins dotĂ©e dâune existence autonome indĂ©pendante de nos dĂ©sirs comme le fait scientifique, tout en mettant en Ćuvre une efficience qui dĂ©passe notre puissance dâagir individuelle comme le fĂ©tiche encore. En analysant comment Pasteur dĂ©couvre, isole et fait apparaĂźtre lâexistence des microbes avec ses pratiques de laboratoire, ou comment la physique atomique dĂ©couvre et gĂ©nĂšre une Ă©nergie nuclĂ©aire qui Ă©chappe Ă son contrĂŽle de par lâintrication des pratiques de laboratoire dans le tissu des relations sociales et politiques, Bruno Latour nous invite Ă voir non seulement que les faits acquiĂšrent leur autonomie parce quâils sont fabriquĂ©s, mais aussi que les fabrications relĂšvent dâune efficience qui outrepasse toujours la maĂźtrise de leurs fabricateurs. Prendre acte de ce que les faitiches sont la condition de notre puissance dâagir et dâargumenter implique de remettre en cause les dichotomies autour desquelles sâest constituĂ©e la modernitĂ© â entre lâobjectif et le subjectif, la science et la croyance, la matiĂšre extĂ©rieure et lâesprit intĂ©rieur. Cela conduit Ă mesurer Ă la fois notre capacitĂ© humaine Ă produire de lâĂȘtre Ă travers nos fictions, et notre incapacitĂ© Ă contrĂŽler a priori ce que deviendront ces fabrications aprĂšs leur rĂ©alisation collective au sein dâune nature dont nous ne sommes quâune partie. DâoĂč les vertus dâattention, de soin et de prudence Care, Caute ! quâexige le maniement des faitiches, dĂšs lors quâon reconnaĂźt leur efficience de faitiches14. LâindĂ©passable vĂ©ritĂ© du roman cabalistique 42Câest toute cette dynamique du faitiche qui sâesquisse Ă travers les lignes apparemment erratiques de Lamekis. Tout autant que par les effets magiques » des aspects, des antipathies et des simulacres, Mouhy met en scĂšne cette dynamique des faitiches principalement Ă travers ses rĂ©fĂ©rences Ă la cabale. Sans aucunement croire » que son livre ait les vertus magiques dâun sacrĂ© talisman », Mouhy dĂ©crit trĂšs prĂ©cisĂ©ment le fonctionnement de cabales » qui ne manquent pas dâĂȘtre bien rĂ©elles », malgrĂ© tous les nuages dâillusion qui les entourent. 43Dans lâĂ©pisode de la lutte entre le roi Indiagar et la Grandâ-PrĂȘtresse, le terme de cabale » dĂ©signe la stratĂ©gie de spectacle politique Ă travers laquelle on tente de renverser un rĂ©gime existant pour sâemparer du pouvoir. Cette stratĂ©gie consiste, on lâa vu, Ă savoir se servir des images aspects, simulacres, fĂ©tiches qui captent les dĂ©sirs et les croyances de la multitude. Lorsquâon peut dire dâun parti que sa cabale, ses intrigues semblent triompher » III, 56 , on reconnaĂźt quâil a su jouer de fictions fabriquĂ©es pour sâemparer dâun certain pouvoir. Câest par le maniement efficace des faitiches que la cabale transforme quelque chose dâapparemment immatĂ©riel un rĂȘve, un espoir, une illusion, une vision, des paroles, les anglophones dĂ©signeraient ceci comme relevant du hot air en un pouvoir devenu objectif, qui est en capacitĂ© de faire circuler des flots de richesses, dâemprisonner des corps, voire de couper des tĂȘtes. 44En conformitĂ© avec une intuition qui traverse lâensemble de Lamekis, le terme de cabale » est toutefois plus prĂ©cisĂ©ment sollicitĂ© pour dĂ©signer une certaine machination de rĂ©ceptivitĂ©. Lors du discours de rĂ©ception de Dahahal parmi les Sylphes, on entrevoit de la cabale » dans le fait que certains esprits chagrins se rĂ©crient sur quelques Ă©pithĂštes » IV, 101 on suspecte que leur Ă©coute nâa pas Ă©tĂ© bienveillante, mais conditionnĂ©e par quelque jalousie ou conspiration sous-jacente. Dans lâavertissement de la cinquiĂšme partie, câest lâauteur du roman qui se sait devoir faire face Ă une cabale ignorante & envieuse », prĂ©disposĂ©e Ă le critiquer quoi quâil Ă©crive, et contre laquelle il mobilise ses lecteurs, afin que ceux-ci publient ses louanges de façon prĂ©emptive V, v. LâĂ©coute dâun discours, la lecture dâun roman ne relĂšvent jamais dâune rĂ©ception ouverte » vierge et inconditionnĂ©e elles sont toujours prĂ©disposĂ©es par une certaine orientation prĂ©alable. Et câest prĂ©cisĂ©ment autour de ces formes conditionnĂ©es de rĂ©ceptivitĂ© que se jouent les luttes politiques et littĂ©raires. Il ne suffit pas, pour un discours politique ou pour un roman, de simplement dire » une vĂ©ritĂ© ou une fiction ce qui importe le plus, câest de composer une cabale qui sâinsinue dans la rĂ©ceptivitĂ© ambiante, pour la modifier de façon Ă neutraliser les cabales ennemies prĂ©existantes. 45Câest lâavertissement Ă la troisiĂšme partie de Lamekis qui dĂ©ploie la complexitĂ© de la guerre des cabales dont dĂ©pend la rĂ©ception dâun texte. Lâauteur constate et dĂ©plore que dans un nombre de gens qui nous font lâhonneur de nous lire, il sâen trouve qui passent leur vie Ă faire des applications » III, ii, câest-Ă -dire Ă vouloir recevoir un rĂ©cit purement fictionnel, fait pour amuser » et porter Ă la vertu », comme contenant des rĂ©fĂ©rences et des attaques cryptĂ©es, visant telles personnes ou tels Ă©vĂ©nements rĂ©els. Contre de tels soupçons, il dĂ©clare hautement aimer mieux ĂȘtre louĂ© par les endroits flatteurs de la simplicitĂ© que de [s]e faire un nom dans des cabales odieuses » III, iii. Or câest prĂ©cisĂ©ment dans ce troisiĂšme volume quâil sâĂ©tend avec complaisance sur la description des cabales de la Grandâ-PrĂȘtresse, dont les convulsions » pouvaient difficilement ne pas Ă©voquer, pour les contemporains, les dĂ©bats gĂ©nĂ©rĂ©s autour des JansĂ©nistes convulsionnaires, perçus comme dĂ©fiant le pouvoir royal. Et câest Ă©galement dans ce mĂȘme avertissement que lâauteur prĂ©sentera son ouvrage, trois paragraphes plus loin, comme portant avec lui le sacrĂ© talisman de la cabale la plus mystĂ©rieuse »⊠46On voit que Lamekis mĂ©rite pleinement dâĂȘtre rangĂ© au nombre des romans cabalistiques ». Le talisman propre Ă sa cabale est en effet exemplaire dâun dispositif poĂ©tico-politique qui se situe au carrefour du regard ethnologique dĂ©nonciateur des fĂ©tiches, de la puissance des esprits mobilisĂ©e par lâĂ©pisode convulsionnaire et des propriĂ©tĂ©s du genre merveilleux. Loin de se rĂ©duire Ă un pur jeu de dĂ©molition comme sâen contente la modernitĂ© iconoclaste envers les croyances primitives », la mise en scĂšne des esprits Ă©lĂ©mentaires par le rĂ©cit merveilleux dĂ©gage une positivitĂ© essentielle Ă la constitution du monde humain. La fable extraordinaire imaginĂ©e par Mouhy permet Ă la fois de nous faire prendre un certain recul par rapport aux rituels et aux simulacres qui conditionnent nos comportements sociaux selon les virtualitĂ©s du regard ethnologique, de nous faire mesurer la force spirituelle des courants collectifs de croyances et de dĂ©sirs qui agitent le corps des convulsionnaires et de donner, Ă travers son roman merveilleux, lâexemple concret dâun simulacre qui se dĂ©nonce comme simulacre, sans pour autant perdre son efficience sur nos esprits. La poĂ©tique du merveilleux est en effet porteuse dâune leçon Ă©minemment politique en produisant des faitiches qui, parce quâils se prĂ©sentent explicitement comme des fĂ©tiches comme des fictions fabriquĂ©es, nous permettent dâagir Ă la fois avec toute la puissance et avec toute la prudence dont relĂšvent les faitiches.
au nom de la vérité machination amoureuse